Patrice Leconte était l’invité d’honneur d' Acfa Multimédia Lyon le 21 mars 2017, dans le cadre d’une conférence exceptionnelle où le réalisateur de la trilogie culte « Les Bronzés » est venu partager ses 50 ans de carrière et de succès au cinéma avec les étudiants en BTS Audiovisuel option Métiers de l'image, Réalisateur-Monteur, Technicien son, ainsi qu'avec les étudiants des écoles Studio M, Atelier du Griffon et HEJ.
Patrice Leconte rencontre les étudiants d'Acfa Multimédia
On ne présente plus Patrice Leconte : cinéaste, scénariste, dialoguiste, romancier, metteur en scène au théâtre et réalisateur de spots publicitaires. Son nom au générique de ses 29 longs métrages totalise à lui seul plus de 36 millions d’entrées au box-office. César du Meilleur Réalisateur, César du Meilleur Film pour Ridicule en 1997, il est également nommé pour l’Oscar du meilleur film étranger à Los Angeles la même année. Patrice Leconte est également à l’origine, avec le producteur Christian Fechner, des retrouvailles de Jean-Paul Belmondo et Alain Delon au cinéma, 28 ans après Borsalino dans Une chance sur deux aux côtés de Vanessa Paradis.
Thierry Der-Parseghian, Directeur de l’école à l’initiative de cet événement, a animé cette conférence et interviewé Patrice Leconte. Il revient sur les coulisses de cette rencontre : « Je trouvais intéressant et primordial que nos élèves rencontrent des professionnels du spectacle, des médias, du cinéma et de la télévision. Alors, j’ai eu cette idée un peu démesurée d’inviter l’un des plus grands réalisateurs français. Parce que j’aimais son travail, ses films, sa passion pour le 7ème art et les acteurs, j’ai tout de suite pensé à Patrice Leconte. J’appréciais aussi l’homme pour son humour au travers de ses interviews à la télé et à la radio. Patrice Leconte fait partie de ces rares cinéastes français que l’on ne cesse de redécouvrir qui ont une filmographie si éclectique qu’elle en devient presque inclassable et c’est tant mieux : il a su passer de la comédie au film d’action, du film populaire devenu culte au film d’auteur, du drame psychologique au film d’animation et même au documentaire".
Il reconnaît lui-même avoir été libre de ses choix artistiques : « Bizarrement, ce n’est pas très commode à imposer. Vous savez que c’est plus facile de faire coller une étiquette sur le front de quelqu’un. Lui fait de la comédie, lui fait des films policiers. C’est plus facile de ranger des gens dans des boîtes bien étiquetées que de prendre la liberté de faire des films différents les uns des autres ».
"Le jour où je signe mon premier contrat de film, j'arrête de dessiner"
Il se souvient encore de ce jeune homme qui a quitté Tours en 1967 pour monter à Paris et faire une école de cinéma. En parallèle de ses études, Patrice Leconte dessine. Il est passionné de BD. Un jour, il écrit à Marcel Gotlib pour lui dire qu’il aime son travail et le rencontre. Gotlib le présente à Goscinny et pendant 5 ans, il va collaborer au journal Pilote. Il écrira dans l’une de ses bulles : « Le jour où je signe mon premier contrat de film, j’arrête de dessiner ». Premier scénario et premier film coécrit avec Marcel Gotlib : Les vécés étaient fermés de l’intérieur avec Jean Rochefort et Coluche. Patrice Leconte raconte : « Coluche qui allait devenir l’immense vedette de Music Hall m’a été fidèle en disant aux producteurs de l’époque : Y’a un type qui est venu me proposer un film quand je n’étais pas connu, c’est Leconte. Moi je ferai son film d’abord». Patrice Leconte a 28 ans, il signe son premier long-métrage chez Gaumont.
Et puis, c’est la rencontre avec l’équipe du Splendid (Balasko, Blanc, Chazel, Clavier, Jugnot et Lhermitte) qui lui propose d’adapter au cinéma leur pièce de théâtre qui fait un tabac à Paris Amours, coquillages et crustacés, parodie des mœurs du Club Méditerranée. Le premier volet de la série culte est né : Les Bronzés produit par un certain Yves Rousset Rouard qui n’est autre que l’oncle de Christian Clavier.
L’équipe enchaîne un an plus tard avec les Bronzés font du ski dont les rediffusions à la TV totalisent à chaque fois entre 8 et 10 millions de téléspectateurs !
Patrice Leconte est également un technicien hors pair. Il cadre lui-même ses films depuis TANDEM. Une expérience et une fonction qu’il reproduira sur tous ses longs métrages. Une pratique acquise dans la publicité puisque rappelons-le, Patrice Leconte a tourné plus de 250 spots publicitaires.
Le métier de réalisateur
Filmer soi-même, l’œil au viseur, c’est finalement supprimer tous les intermédiaires entre un acteur, une actrice et un metteur en scène. Il devient le premier spectateur privilégié de l’émotion filmée et figée sur la pellicule. «J’aime les acteurs. Je considère qu’un réalisateur qui n’aime pas ses acteurs est un infirme du sentiment donc un infirme de la mise en scène». Lorsque les comédiens évoquent Patrice Leconte, ils s’accordent tous à dire que c’est un plaisir de tourner avec lui. Il aime les acteurs et les actrices. Il aime les sentir en confiance, il aime les bonnes ambiances sur un plateau et surtout il déteste les conflits. Alors, tout simplement, les artistes prennent plaisir à être dirigés par le cinéaste. Lui qui a mis en scène et filmé pour ne citer qu’eux : Gérard Lanvin, Jean Rochefort , Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle, Alain Delon, Johnny Hallyday, Judith Godrèche, Julie Gayet, Juliette Binoche, Laetitia Casta, Martin Lamotte, Michel Blanc, Miou-Miou, Ornella Muti, Patrick Timsit, Pauline Lefèvre, Philippe Noiret, Richard Bohringer, Roland Giraud, Rossy de Palma, Sandrine Bonnaire, Stéphane De Groodt, Valérie Bonneton, Vanessa Paradis, Anémone, Benoît Poelvoorde, Bernard Giraudeau, Carole Bouquet, Catherine Jacob, Charles Berling, Coluche, Daniel Auteuil, Dany Boon, Dominique Lavanant, Fabrice Luchini, Fanny Ardant et bien sûr toute l’équipe du Splendid : Christian Clavier, Gérard Jugnot, Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel, Michel Blanc et Thierry Lhermitte.
Nous regardons un extrait du tournage des « Bronzés 3, amis pour la vie » où la scène du repas a dû être interrompue. Une demi-heure de fou-rire général déclenché par Gérard Jugnot qui se trompe de phrase en prononçant : « qu’il déjeune » à la place de « qu’il dîne ». Patrice Leconte raconte : « J’ai eu une barre sur le ventre pendant 30 minutes, je pleurais de rire, obligé de stopper le tournage. Nous avons dû refaire tous les raccords de maquillage… ».
Le cinéaste s’est ensuite livré avec beaucoup de générosité et d’humour au jeu des questions/réponses avec le public sur plusieurs de ses films : La fille sur le pont, Tandem, Les spécialistes, Le mari de la coiffeuse, Monsieur Hire, L’homme du train, Ridicule, Les grands ducs, Une chance sur deux … Parmi celles-ci une question devenue récurrente : « Il y aura-t- il un Bronzés 4 ? Non, je ne pense pas. Ou alors, je le tournerai dans une maison de retraite avec les mêmes acteurs devenues irascibles … Mais, c’est non ! ». Éclats de rire dans la salle. La conférence arrive presque à sa fin et Thierry Der-Parseghian lui pose alors cette question : « Cher Patrice, vous aviez rêvé en 1967 de devenir cinéaste. 50 ans après, presque jour pour jour, hasard ou coïncidence, nous nous retrouvons aujourd’hui ensemble devant des élèves qui rêvent de faire ce métier. Pensez-vous que l’on peut encore rêver de 7ème art en 2017 et aller au bout de sa passion ? ».
Patrice Leconte : « Oui, bien sûr. Le talent et le courage comptent beaucoup mais la chance est capitale. La chance, il faut en avoir mais il faut surtout la saisir. Donc je vous souhaite bon courage et bonne chance, car il faut les deux, dans ce métier, en plus du talent ».
Vanessa Paradis a dit de Patrice Leconte que c’était le printemps : « Vous savez le printemps, quand tout le monde commence à devenir de bonne humeur, ben voilà c’est Patrice Leconte».